Licence 1 > Mécanique 2 > Cours 21 : théorème du moment cinétique
M21 : théorème du moment cinétique
Vous souhaitez vous familiarisez avec ce chapitre en vidéos ? Retrouvez la playlist dédiée sur la chaine youtube de physagreg en cliquant ici:
Vous pouvez également visionner le chapitre séquence par séquence :
- Définition du moment cinétique
- Moment de force et interprétation physique
- TMC : énoncé, démonstration et interprétation
Introduction
Dans les mouvements de rotation il est préférable d’utiliser un autre théorème que le principe fondamental de la dynamique ou le théorème de l’énergie cinétique : ce théorème s’appelle le théorème du moment cinétique. Nous allons donc introduire la notion de moment cinétique qui est l’équivalent pour la rotation de ce qu’est la quantité de mouvement pour les mouvements de translation. Ainsi, il ne sera plus question d’utiliser les forces elle-mêmes, mais leur moment. Nous étudierons alors un exemple d’application classique de ce théorème : le pendule simple. Même si on ne s’intéressera principalement qu’à la mécanique du point dans ce chapitre, nous ferons une petite parenthèse sur la mécanique du solide en parlant du moment d’inertie et de sa signification.
Moment cinétique
Définition du moment cinétique par rapport à un point
Soit un point M de masse \(m\), de vitesse \(\overrightarrow{v}\) et de quantité de mouvement \(\overrightarrow{p}=m\,\overrightarrow{v}\).
Son moment cinétique en un point O est défini par :
\begin{equation}\boxed{\overrightarrow{L_O}(M) = \overrightarrow{OM} \wedge \overrightarrow{p} = \overrightarrow{OM} \wedge m\,\overrightarrow{v}}\end{equation}On peut exprimer la norme de ce moment cinétique en fonction de l’angle que forme la droite (OM) et le vecteur \(\overrightarrow{v}\) :
\begin{equation}L_O(M) = \left|\left|\overrightarrow{L_O}(M) \right|\right|=OM \times m\,v \times \sin \alpha\end{equation}Le moment cinétique s’exprime donc en \(\mathrm{kg.m^2.s^{-1}}\).
Sens du vecteur moment cinétique
Le vecteur \(\overrightarrow{L_O}(M)\) semble venir vers nous dans la figure ci-dessus : ce sens est obtenu par le fait que la base (\(\overrightarrow{OM}\), \(\overrightarrow{v}\), \(\overrightarrow{L_O}(M)\)) est directe. Pour le retrouver, on peut utiliser les trois doigts de la main droite (pour former le trièdre) ou la règle du tire-bouchon.
Remarque
Étudiant le mouvement de ce point par rapport à un référentiel \(\cal{R}\), on n’indicera pas les différentes quantités mais ces indices sont sous-entendus.
Dans le cas de l’étude du mouvement d’un point, on ne travaille qu’avec un seul vecteur, le vecteur moment cinétique ou le vecteur quantité de mouvement, car ceux-ci sont liés. Pour l’étude du mouvement d’un solide, les deux vecteurs sont à considérer puisque chaque point du solide aura un moment cinétique différent et/ou un vecteur quantité de mouvement différent.
Exemple du moment cinétique en coordonnées polaires
Soit un point M se déplaçant dans un mouvement circulaire par rapport au référentiel \(\mathcal{R}\).
\(\left|\begin{array}{l} \text{Sa position en coordonnées polaires est : } \overrightarrow{OM}=r\,\overrightarrow{e_r}\\ \text{Sa vitesse est : } \overrightarrow{v} = r\,\overset{\cdot}{\theta}\,\overrightarrow{e_{\theta}} \end{array}\right.\)
En effet, la composante suivant $\overrightarrow{e_r}$ ($\overset{\cdot}{r}\,\overrightarrow{e_r}$) est nulle puisque $r$ est constant (mouvement circulaire).
Son moment cinétique s’écrit donc :
\begin{equation}\begin{aligned} \overrightarrow{L_O}(M) &= \overrightarrow{OM} \wedge m\,\overrightarrow{v} \\ &= m\,r\,\overrightarrow{e_r} \wedge ( \overset{\cdot}{r}\,\overrightarrow{e_r} + r\,\overset{\cdot}{\theta}\,\overrightarrow{e_{\theta}}) \\ &= m \, r^2 \overset{\cdot}{\theta} \,\overrightarrow{e_z}\end{aligned}\end{equation}Moment cinétique en O’ différent de O
Le moment cinétique dépend du point où on le calcule. On peut établir une relation entre le moment cinétique en un point O’ et celui en un point O :
\begin{equation}\begin{aligned} \overrightarrow{L_{O'}}(M) &= \overrightarrow{O'M} \wedge \overrightarrow{p} \\ &= (\overrightarrow{O'O}+\overrightarrow{OM}) \wedge \overrightarrow{p}\\ &= \overrightarrow{O'O} \wedge \overrightarrow{p} + \overrightarrow{OM} \wedge \overrightarrow{p}\\ &= \overrightarrow{O'O} \wedge \overrightarrow{p} + \overrightarrow{L_O}(M)\end{aligned}\end{equation} \begin{equation}\Longrightarrow \boxed{\overrightarrow{L_{O'}}(M) = \overrightarrow{L_O}(M) + \overrightarrow{O'O} \wedge \overrightarrow{p}}\end{equation}Moment cinétique par rapport à un axe
Cette grandeur n’est plus un vecteur mais une grandeur algébrique.Soit \(\Delta\) un axe orienté par un vecteur unitaire \(\overrightarrow{u}_{\Delta}\). Soit O un point de cet axe et M un point dont on connaît le moment cinétique \(\overrightarrow{L_O}(M) \) par rapport à O.Le moment cinétique de M par rapport à l’axe \(\Delta\) est :
\begin{equation}\boxed{L_{\Delta} = \overrightarrow{L_O}(M) \cdot \overrightarrow{u}_{\Delta}}\end{equation}Il est la projection du moment cinétique par rapport à un point de l’axe sur celui-ci.
Cette projection est indépendante du point de l’axe choisi.
Moment d’une force
Comme la quantité de mouvement était reliée aux forces dans le principe fondamental de la dynamique, le moment cinétique est relié au moment des forces dans le théorème du moment cinétique.
Définition du moment d’une force par rapport à un point
Soit une force \(\overrightarrow{F}\) appliqué en un point M. Alors son moment \(\overrightarrow{\mathcal{M}_O}(\overrightarrow{F})\) par rapport au point O est défini par :
\begin{equation}\boxed{\overrightarrow{\mathcal{M}_O}(\overrightarrow{F}) = \overrightarrow{OM} \wedge \overrightarrow{F}}\end{equation}Sens du vecteur moment
Comme pour le vecteur moment cinétique, le sens du vecteur moment est donné par la règle de la main droite ou la règle du tire-bouchon.
On peut également exprimer le module de ce moment de force en fonction de l’angle \(\theta\) :
Le moment d’une force s’exprime donc en \(\mathrm{N.m}\).
Notion de bras de levier
Le bras de levier est la distance \(d=OH\), où H est le projeté orthogonal de O sur la droite d’action de la force \(\overrightarrow{F}\).
Sur la figure [momentO], on voit que le \(\sin \theta\) peut être relié au bras de levier.En effet :
\begin{equation}\sin \theta = \dfrac{d}{\left|\left|\overrightarrow{OM}\right|\right|} \Longleftrightarrow \left|\left|\overrightarrow{OM}\right|\right| \times \sin \theta = d\end{equation}Ainsi l’expression de la norme du moment devient :
\begin{equation}\boxed{\mathcal{M}_O(\overrightarrow{F}) = d \times \left|\left|\overrightarrow{F}\right|\right|}\end{equation}Elle ne dépend que du bras de levier. Cela peut être une méthode de calcul du moment, en associant cette expression à la règle de la main droite ou du tire-bouchon pour connaître le sens du vecteur moment.
Moment de force en O’ différent de O
Avec le même raisonnement que celui utilisé pour le moment cinétique, on a :
\begin{equation}\boxed{\overrightarrow{\mathcal{M}_{O'}}(\overrightarrow{F}) = \overrightarrow{\mathcal{M}_O}(\overrightarrow{F}) + \overrightarrow{O'O} \wedge \overrightarrow{F}}\end{equation}Moment d’une force par rapport à un axe
Toujours en faisant un parallèle avec ce qui a été vu sur le moment cinétique, si \(\Delta\) est un axe orienté par le vecteur unitaire \(\overrightarrow{u}_{\Delta}\), le moment d’une force par rapport à l’axe (\(\Delta\)) s’écrit :
\begin{equation}\boxed{\mathcal{M}_{\Delta}(\overrightarrow{F}) = \overrightarrow{\mathcal{M}_O}(\overrightarrow{F}) \cdot \overrightarrow{u}_{\Delta}}\end{equation}avec O un point de l’axe.
Interprétation physique du moment de force
Dans le domaine du bricolage, on fait souvent appel à la notion de bras de levier, sans le savoir. Par exemple, si vous voulez retirer une vis récalcitrante, il vaut mieux utiliser une clé à cliquet munie d’un embout de vissage plutôt qu’un tournevis :En effet, avec un tournevis, on force en étant au dessus de la vis, le bras de levier (donc le moment de la force appliquée) est tout petit. Avec une clé à cliquet, l’endroit où l’on applique la force est déportée ce qui implique un grand bras de levier. Pour obtenir le même moment de force qu’avec le tournevis, la force à appliquer pour faire tourner la vis est moins importante.
Notion de mécanique du solide : moment d’inertie
Nous avons dit précédemment que le moment cinétique était équivalent pour la rotation à ce qu’est la quantité de mouvement pour la translation. Ainsi, comme la quantité de mouvement est reliée à la masse inertielle (grandeur qui exprime la résistance qu’oppose un corps au changement de son mouvement) et à la vitesse linéaire, le moment cinétique est relié à une quantité représentant l’inertie de rotation d’un corps, appelée moment d’inertie, et à la vitesse angulaire.
En général, on cherche à faire tourner un corps autour d’un axe, on utilise alors le moment d’inertie par rapport à cet axe que l’on note \(J_{\Delta}\).
On peut alors exprimer le moment cinétique d’un corps par rapport à un axe de la façon suivante :
\begin{equation}\boxed{L_{\Delta}= J_{\Delta} \times \omega}\end{equation}Ce moment cinétique caractérise la tendance d’un objet à continuer à tourner autour de \(\Delta\), du fait de son inertie.
Exemples de moment d’inertie
Au vu de sa définition, le moment d’inertie dépend de la répartition de masse du corps en question. Cependant pour des corps homogènes et de formes géométriques simples, l’expression du moment d’inertie est simple :
Moment d’inertie par rapport à son axe de révolution d’un cerceau de masse m et de rayon R : \(J_{\Delta} = mR^2\) ;
Moment d’inertie par rapport à son axe de révolution d’un cylindre ou d’un disque de masse m et de rayon R : \(J_{\Delta} = \frac{1}{2}mR^2\) ;
Moment d’inertie par rapport à son axe de révolution d’une sphère de masse m et de rayon R : \(J_{\Delta} = \frac{2}{5}mR^2\) ;
Théorème du moment cinétique
Par rapport à un point fixe
Soit O un point fixe du référentiel d’étude \(\mathcal{R}\) .Écrivons ce théorème mathématiquement :
\begin{equation}\boxed{\dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{L_O}(M)}{\mathrm{d}t} = \sum_i \overrightarrow{\mathcal{M}_O}(\overrightarrow{F_i})}\end{equation}Littéralement, cela devient : la dérivée par rapport au temps du moment cinétique d’un point M par rapport à un point O est égale à la somme des moments des forces par rapport à O appliquées à ce point M.
Démonstration
Montrons que ce théorème est une conséquence directe du principe fondamental de la dynamique.
On dérive l’expression du vecteur moment cinétique, donc le produit vectoriel :
\begin{equation}\dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{L_O}(M)}{\mathrm{d}t} = \dfrac{\mathrm{d}}{\mathrm{d}t}\left(\overrightarrow{OM} \wedge m\,\overrightarrow{v}\right) = \dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{OM}}{\mathrm{d}t}\wedge m\,\overrightarrow{v} + \overrightarrow{OM} \wedge m \, \dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{v}}{\mathrm{d}t}\end{equation}Or \(\dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{OM}}{\mathrm{d}t}=\overrightarrow{v}\) donc \(\dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{OM}}{\mathrm{d}t}\wedge m\,\overrightarrow{v} = \overrightarrow{0}\) (produit vectoriel de deux vecteurs colinéaires).Et on a, d’après le principe fondamental de la dynamique : \(m \, \dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{v}}{\mathrm{d}t} = m\,\overrightarrow{a} = \displaystyle{\sum_i} \overrightarrow{F_i}\).
D’où :
\begin{equation}\dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{L_O}(M)}{\mathrm{d}t} = \overrightarrow{OM} \wedge \sum_i \overrightarrow{F_i} = \sum_i \overrightarrow{OM} \wedge \overrightarrow{F_i} = \sum_i \overrightarrow{\mathcal{M}_O}(\overrightarrow{F_i})\end{equation}RemarqueOn peut également utiliser ce théorème en l’appliquant en un point non fixe du référentiel. Dans ce cas, un terme vient s’ajouter à la formule initiale ce qui complique les calculs. On essaye donc de choisir dans la mesure du possible un point fixe.
Par rapport à un axe
Pour obtenir son expression, il suffit de projeter le théorème par rapport à un point fixe. On obtient aisément :
\begin{equation}\boxed{\dfrac{\mathrm{d}L_{\Delta}}{\mathrm{d}t} = \sum_i \mathcal{M}_{\Delta}(\overrightarrow{F_i})}\end{equation}Interprétation : le patineur
Une des figures classiques du patinage artistique est réalisée par le patineur tournant rapidement, sur place, autour de lui-même. Ce qui est apprécié des juges, c’est un changement de rythme dans la vitesse de rotation : pour réaliser cela, le patineur change la répartition de sa masse en positionnant ses bras ou une jambe plus ou moins loin de son corps.En faisant cela, il modifie son moment d’inertie. Étant donné qu’une fois la rotation engagée, la somme des moments des forces appliquées au patineur est nulle, le moment cinétique doit être constant. En minimisant son moment d’inertie, le patineur augmente sa vitesse angulaire, en l’augmentant, en écartant les bras par exemple, il diminue sa vitesse angulaire.
Exemple du pendule simple
Référentiel : du laboratoire considéré galiléen ;
Système : masse \(m\) considérée ponctuelle en un point M ;
Forces : poids \(\overrightarrow{P}\) ; tension du fil \(\overrightarrow{T}\).
Vu la physionomie du problème, on utilisera les coordonnées cylindriques.
Appliquons le théorème du moment cinétique au point d’attache fixe O du pendule :
Moment cinétique et sa dérivée
Exprimons tout d’abord le moment cinétique en O :
\begin{equation}\overrightarrow{L_O} = \overrightarrow{OM} \wedge m\,\overrightarrow{v} = \begin{array}{|cc|cc|c} \ell & & 0 & & 0\\ 0 &\wedge & m\,\ell\,\overset{\cdot}{\theta} & =& 0 \\ 0 & & 0 & & m\,\ell^2\,\overset{\cdot}{\theta} \end{array}\end{equation}Puis sa dérivée :
\begin{equation}\dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{L_O}(M)}{\mathrm{d}t} = m\,\ell^2\,\overset{\cdot\cdot}{\theta}\,\overrightarrow{u}_z\end{equation}Moments de force
En ce qui concerne les moments de force :
On a \(\overrightarrow{\mathcal{M}_O}(\overrightarrow{T})= \overrightarrow{OM}\wedge \overrightarrow{T}\) mais la droite d’action de \(\overrightarrow{T}\) est colinéaire à \(\overrightarrow{OM}\) et le produit vectoriel est nul : \(\overrightarrow{\mathcal{M}_O}(\overrightarrow{T}) = \overrightarrow{0}\);
Pour le moment du poids, on a :
\begin{equation}\overrightarrow{\mathcal{M}_O}(\overrightarrow{P})= \overrightarrow{OM} \wedge \overrightarrow{P} = \begin{array}{|cc|cc|c} \ell & & m\,g\,\cos \theta & & 0\\ 0 &\wedge & - m\,g\,\sin \theta & =& 0 \\ 0 & & 0 & &- m\,g\,\ell\,\sin \theta \end{array}\end{equation}
Théorème
L’écriture du théorème donne :
\begin{equation}\begin{aligned} \dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{L_O}(M)}{\mathrm{d}t} &=\overrightarrow{\mathcal{M}_O}(\overrightarrow{P}) + \overrightarrow{\mathcal{M}_O}(\overrightarrow{T}) \\ \Longleftrightarrow m\,\ell^2\,\overset{\cdot\cdot}{\theta}\,\overrightarrow{u}_z &= - m\,g\,\ell\,\sin \theta \,\overrightarrow{u}_z\end{aligned}\end{equation} \begin{equation}\Longleftrightarrow \boxed{\overset{\cdot\cdot}{\theta} + \dfrac{g}{\ell} \sin\,\theta = 0} \end{equation}L’équation est une équation bien connue qui peut être retrouvée facilement à l’aide de la relation fondamentale de la dynamique ou à l’aide de la conservation de l’énergie mécanique (car \(\overrightarrow{T}\) ne travaille pas et \(\overrightarrow{P}\) est conservative).La méthode du théorème du moment cinétique n’est dans ce cas pas meilleure qu’une autre.
Références
- "Physique Tout-en-un MPSI PCSI PTSI" - Marie-Noëlle Sanz / Anne-Emmanuelle Badel / François Clausset - Editions Dunod 2008 ;
- "Précis Mécanique PCSI" - C.Clerc / P.Clerc - Bréal ;
- http://webetab.ac-bordeaux.fr/Etablissement/BDBorn/sections/postbac/prepasciences/physique/telech/docs20089/M6_2008-2009b.pdf