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EM8 : Mouvement de charges dans un conducteur
Ce chapitre est intégralement disponible avec de deux vidéos que vous trouverez avec la playlist suivante :
- La première traite du vecteur densité volumique de courant et du modèle de Drude
- La deuxième séquence abordera les notions de résistance électrique d'un conducteur, de l'effet Hall et de son lien avec la force de Laplace
Introduction
Ce chapitre sera un chapitre de transition entre l’électromagnétisme et l’électrocinétique. En effet, nous allons parler de notions déjà vues (champ et potentiel électriques, force de Lorentz) et de notions que nous reverrons en électrocinétique (Loi d’Ohm, résistance) mais on adoptera ici le point de vue microscopique.
Vecteur densité de courant électrique
Soit un conducteur possédant \(n\) atomes par unité de volume, chaque atome possédant une charge libre \(q\). Le conducteur est soumis à un champ électrique qui provoque un déplacement d’ensemble des charges libres du conducteur.
L’intensité du courant \(di\) qui traverse une section \(dS\) du conducteur est égale à la quantité de charge \(d^2q\) qui traverse la section pendant le temps \(\mathrm{d}t\).
On peut donc écrire :
La quantité de charges \(\mathrm{d}^2q\) qui va traverser dS pendant dt se situe dans un cylindre de section dS et de largeur \(\overrightarrow{v}\mathrm{d}t\) où \(\overrightarrow{v}\) est la vitesse des porteurs de charges. Si on note \(\overrightarrow{n}\) la normale à la surface, on a :
\begin{align*} d^2q = &\text{nombre de charges par unité de volume} \\ \nonumber &\times \text{charge} \times \text{volume}\end{align*}
Donc :
\begin{equation}\mathrm{d}^2q = (n\,q) \times\overrightarrow{v}\,\mathrm{d}t \cdot \overrightarrow{n}\,\mathrm{d}S\end{equation}D'où :
\begin{equation}\mathrm{d}i=\dfrac{\mathrm{d}^2q}{\mathrm{d}t} = n\,q\,\overrightarrow{v}\cdot \overrightarrow{n}\,\mathrm{d}S\end{equation}Doù :
\begin{equation}I = \iint_S n\,q\,\overrightarrow{v}\cdot \overrightarrow{n}\,\mathrm{d}S\end{equation}On introduit alors la notion de vecteur densité de courant :
\begin{equation}\boxed{\overrightarrow{j}=nq\overrightarrow{v}=\rho_m\,\overrightarrow{v}}\end{equation}où \(\rho_m = nq\) est la densité volumique de charges mobiles ayant la vitesse \(\overrightarrow{v}\).
D’après cette expression, \(\overrightarrow{j}\) s’exprime en \(A.m^{-2}\).
Le courant est donc égal au flux du vecteur densité de courant :
\begin{equation}\boxed{I=\iint_S \overrightarrow{j}\cdot \overrightarrow{n} \mathrm{d}S}\end{equation}Remarque
On pourrait penser, vu la vitesse à laquelle on allume une lampe avec un interrupteur, que les porteurs de charge se déplacent très vite.
Il n’en est rien, l’ordre de grandeur de \(v\) est de \(1mm.s^{-1}\). Il faut distinguer la vitesse de ces porteurs et la vitesse de transmission de l’information.
Loi d’Ohm locale
Cette loi va permettre d’introduire la notion de conductivité d’un conducteur. Pour établir celle-ci, on utilise un modèle de conduction électrique dans les métaux appelé modèle de Drude : après la découverte de l’électron par Thomson en 1897, Drude eu l’idée pour expliquer la conductivité des métaux de considérer les électrons libres du métal comme un gaz d’électrons qui se déplace dans un mouvement d’ensemble. Il utilise alors la théorie cinétique des gaz pour expliquer le déplacement du gaz d’électrons.
Le modèle de Drude est donc un modèle statistique qui utilise la mécanique classique.
Les hypothèses de base de ce modèle indiquent que les électrons libres du métal sont des particules ponctuelles classiques, animées d’un mouvement d’ensemble du fait de l’existence d’un champ électrique, mais freinées par des collisions avec le cœur des atomes.
Un problème de mécanique classique
On va donc utiliser la mécanique classique pour étudier le mouvement de ces électrons.
Dans le référentiel du laboratoire, considéré galiléen, on étudie le système électron de charge q.
En négligeant son poids, l’électron n’est soumis qu’à la force de Coulomb et une force de frottement fluide qui permet de modéliser l’influence des collisions sur le mouvement de celui-ci.
On peut appliquer la deuxième loi de Newton qui s’écrit :
\begin{align*} &m\dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{v}}{\mathrm{d}t}=q\overrightarrow{E}-h\overrightarrow{v}\\ \Longleftrightarrow &\dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{v}}{\mathrm{d}t} = \dfrac{q}{m}\overrightarrow{E}-\dfrac{h}{m}\overrightarrow{v}\\ \Longleftrightarrow &\dfrac{\mathrm{d}\overrightarrow{v}}{\mathrm{d}t} + \dfrac{h}{m}\overrightarrow{v} = \dfrac{q}{m}\overrightarrow{E} \end{align*}
Résolution de l’équation différentielle
Cette équation est une équation différentielle du premier ordre à coefficients constants et avec second membre constant.
La solution de l’équation sans second membre est :
\begin{equation}\overrightarrow{v}=\overrightarrow{A}\exp{\left(\dfrac{-t}{\tau}\right)}\end{equation}Avec \(\tau = \frac{m}{h}\).
La solution particulière, obtenue en cherchant une solution du type \(\overrightarrow{v}=\overrightarrow{\mathrm{cste}}\) vaut \(\dfrac{q}{h}\overrightarrow{E}\).
La solution de equa-diff s’écrit donc :
\begin{equation}\overrightarrow{v}=\overrightarrow{A}\exp{\left(\dfrac{-t}{\tau}\right)} + \dfrac{q\,\tau}{m}\overrightarrow{E}\end{equation}
Les électrons ont donc une certaine vitesse pendant le régime transitoire, mais à \(t>5\tau\), le régime permanent est atteint et \(\overrightarrow{v}=\dfrac{q\,\tau}{m}\overrightarrow{E}\).
Retour sur le vecteur densité de courant
On peut donc écrire le vecteur densité de courant en régime permanent :
\begin{equation}\overrightarrow{j}=\rho_m\,\overrightarrow{v}=\dfrac{\rho_m\,q\,\tau}{m}\,\overrightarrow{E}=\dfrac{n\,q^2\,\tau}{m}\,\overrightarrow{E}\end{equation}Expression de la loi d’Ohm locale
La loi d’ohm locale s’écrit ainsi :
\begin{equation}\boxed{\overrightarrow{j}=\gamma\,\overrightarrow{E}}\end{equation}avec \(\boxed{\gamma = \dfrac{n\,q^2\,\tau}{m}}\), la conductivité du métal exprimée en Siemens par mètre (\(\mathrm{S.m^{-1}}\)).
Un siemens est égal à un ampère par volt (\(1\,\mathrm{S} = 1\,\mathrm{A.V^{-1}}\)).
Ordre de grandeur de conductivité électrique
La conductivité est une grandeur utilisée en chimie, on connaît les valeurs de celles-ci pour quelques électrolytes : elle s’exprime généralement en \(mS.cm^{-1}\). On a par exemple, pour une solution de chlorure de sodium à \(5\times 10^{-3}\,\mathrm{mol.L^{-1}}\) est \(0.580\mathrm{mS.cm^{-1}}\), ce qui donne \(5.8\times 10^{-2}\mathrm{S.m^{-1}}\).
Alors que la conductivité électrique du cuivre est de \(5.9\times 10^{6}\mathrm{S.m^{-1}}\).
Remarque
\(\tau\) est donc le temps du régime transitoire, temps qui s’écoule avant que la vitesse d’un porteur soit constante.
On peut calculer un ordre de grandeur de ce temps à l’aide de la conductivité, on trouve un temps de l’ordre de \(10^{-14}s\), autant dire que ce régime transitoire n’est pas long.
Résistance électrique d’un conducteur
Cette loi d’Ohm locale va nous permettre d’écrire la loi d’Ohm globale pour un conducteur filiforme (cylindrique) et ainsi définir la résistance électrique de ce conducteur :
On se place dans le cas d’un conducteur filiforme de section S soumis à la tension \(U_{AB} = V(A)-V(B)\) et parcouru par le courant d’intensité I.
Exprimons le rapport \(U/I\) :
On a vu précédemment dans ce cours que \(I=\iint_S \overrightarrow{j}\cdot \overrightarrow{n} \mathrm{d}S\) et en utilisant la loi d’ohm locale, sachant que la conductivité du matériau est une constante, on peut écrire :
\begin{equation}I=\gamma \iint_S \overrightarrow{E}\cdot \overrightarrow{n} \mathrm{d}S\end{equation}On sait exprimer depuis le chapitre EM12 la différence de potentiel en fonction du champ électrique. On a :
\begin{equation}\int_A^B \overrightarrow{E} \cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\ell} = V(A) - V(B) = U_{AB}\end{equation}Le rapport \(U/I\) vaut donc :
\begin{equation}\boxed{\dfrac{U}{I} = \dfrac{\int_A^B \overrightarrow{E} \cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\ell}}{\gamma \iint_S \overrightarrow{E}\cdot \overrightarrow{n} \mathrm{d}S} }\end{equation}On voit que ce rapport ne dépend que des caractéristiques du fil (longueur et section) et est donc une constante pour un fil donné. Car l’augmentation de l’intensité de \(\overrightarrow{E}\) ne change pas la valeur de ce rapport.
Le rapport \(U/I\) est noté R et est appelé résistance électrique du fil. Celle-ci s’exprime en ohms (\(\Omega\)).
Remarque
Avec la relation précédente, on peut calculer la résistance électrique d’un conducteur quelconque.
Par exemple, pour un fil conducteur de longueur \(\ell\) et de section \(S\), on a :
L’effet Hall
Cet effet a permis la construction de sondes de mesure du champ magnétique, nous allons voir son principe et son lien avec l’existence de la force de Laplace.
Définition
L’effet Hall (du nom du physicien ayant fait cette découverte) observé en 1880 montre qu’un fil parcouru par un courant d’intensité I et plongé dans un champ magnétique qui lui est perpendiculaire créé une tension également perpendiculaire au fil.
Explications
Considérons une plaque parcourue par un courant d’intensité I et observons le mouvement des électrons.
Ils sont soumis à la partie magnétique de la force de Lorentz, qui dévie les particules chargées négativement vers un côté de la plaque. Ce côté se charge négativement, le côté opposé se charge alors positivement.
Cette dissymétrie créé un champ électrique appelé champ de Hall et agit sur les particules en mouvement via la force de coulomb qui s’oppose à la force magnétique.
Pendant le régime transitoire, la force de Lorentz est plus grande que la force de Coulomb due au champ de Hall, et les électrons sont déviés ; le régime permanent est atteint lorsque \(q\,\overrightarrow{E_H} + q\,\overrightarrow{v}\wedge\overrightarrow{B} = \overrightarrow{0}\), et les électrons ne sont plus déviés.
Ainsi en régime permanent existe un champ de Hall donnant naissance à une tension de Hall :
\begin{equation}E_H = v\,B \text{ et } U_H = E_H \times l\end{equation}Avec \(l\) la largeur de la plaque conductrice.
Mesure de champ magnétique
La tension de Hall dépend donc de \(v\), la vitesse des porteurs de charges et de \(B\), l’intensité du champ magnétique.
On peut relier \(v\) à \(I\), l’intensité du courant par le vecteur densité de courant \(\overrightarrow{j}\) ; et montrer que :
Avec \(R_H\) une constante qui dépend du nombre de porteurs de charge de la plaque, de leur charge électrique et \(e\) l’épaisseur de cette plaque.
La mesure de la tension de Hall permet de mesurer l’intensité du champ magnétique si on connaît toutes les caractéristiques de la sonde ainsi que l’intensité \(I\) qui la parcourt.
Effet Hall et force de Laplace
Soit un conducteur parcouru par un courant I, on se place en régime permanent. Le conducteur possède des charges mobiles (électrons libres) et donc des charges fixes (ions positifs).
On peut définir une densité volumique de charges mobiles (\(\rho_m\)), et une densité de charges fixes (\(\rho_f\)). Par définition, le conducteur est électriquement neutre et \(\rho_m = \dfrac{\mathrm{d}q}{\mathrm{d}\tau} = - \rho_f\).
Les charges mobiles subissent la force magnétique de Lorentz et la force de Coulomb du au champ de Hall, alors que les charges fixes ne sont soumises qu’à la force électrique (pas de \(\overrightarrow{v}\)). On peut écrire, pour un volume élémentaire \(d\tau\) du conducteur, la force élémentaire qu’il subit :
\begin{equation}\mathrm{d}\overrightarrow{F} = \rho_m \mathrm{d}\tau \overrightarrow{v}\wedge \overrightarrow{B} + \rho_m \mathrm{d}\tau \overrightarrow{E_H} + \rho_f \mathrm{d}\tau \overrightarrow{E_H}\end{equation}Comme \(\rho_m= - \rho_f\), les deux derniers termes se compensent :
\begin{align*} d\overrightarrow{F} &= \rho_m \mathrm{d}\tau \overrightarrow{v}\wedge \overrightarrow{B} \\ &= \overrightarrow{j}\mathrm{d}\tau \wedge \overrightarrow{B}\end{align*}
Ceci est l’expression de la force de Laplace pour un conducteur parcouru par un courant volumique.
Pour un courant filiforme on a :
\begin{equation}\boxed{d\overrightarrow{F}= I\,\mathrm{d}\overrightarrow{\ell} \wedge \overrightarrow{B}}\end{equation}