Licence 1 > Electromagnétisme 1 > Cours 2 : potentiel et énergie électrostatiques
EM2 : Potentiel et énergie
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- Circulation et définition du potentiel
- Exemples de potentiels, surface équipotentielles et propriétés
- Energies potentielles
Introduction
Nous allons définir dans ce chapitre une grandeur scalaire intimement lié au champ électrostatique : le potentiel électrostatique. Cette grandeur permet de caractériser le champ électrostatique et est parfois plus simple à exploiter. De plus, ce potentiel sera relié, par l’intermédiaire du travail de la force de Coulomb, à l’énergie potentielle électrostatique ce qui lui donnera toute sa signification physique.
Circulation du champ électrostatique
Définition
On appelle circulation du champ électrostatique $\overrightarrow{E}$ entre A et B la grandeur :
Conservation de la circulation du champ électrostatique
La grandeur définie précédemment ne dépend que des positions des points A et B, la circulation du champ $\overrightarrow{E}$ est donc indépendante du chemin suivi :
On dit que la circulation du champ $\overrightarrow{E}$ est conservative.
Ceci implique que :
\begin{equation}\boxed{\oint \overrightarrow{E}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\ell} = 0}\end{equation}La circulation du champ $\overrightarrow{E}$ le long d’une courbe fermée est nulle, on dit qu'elle est conservative.
Potentiel électrostatique
Définition
Vue que la circulation du champ $\overrightarrow{E}$ ne dépend pas du chemin suivi, on peut définir une grandeur scalaire V telle que :
\begin{equation}\boxed{\int_A^B \overrightarrow{E}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\ell} = V(A) - V(B)} \end{equation}Cette grandeur V est appelée potentiel électrique et s’exprime en Volt.
Propriétés
L’équation \eqref{potentiel} de définition du potentiel électrique faisant intervenir une intégrale, le potentiel électrique est défini à une constante près (constante d’intégration).
On fixera arbitrairement l’origine des potentiels (cela ne modifiera en rien le champ électrostatique).
Puisque le champ électrostatique vérifie le principe de superposition, le potentiel électrostatique est additif : le potentiel créé par la réunion de deux systèmes de charges est la somme des potentiels créés par chaque système.
Remarques
La différence de potentiel n’est autre que la tension que l’on connaît en électricité.
Pour fixer les idées sur la circulation du champ électrique qui donne naissance au potentiel, on peut faire une analogie avec la mécanique :
Si on considère que le champ électrique est analogue à une force conservative comme le poids $\overrightarrow{P}$, la circulation de $\overrightarrow{E}$ est analogue au travail de la force $\overrightarrow{P}$. Le travail du poids est égal à la différence d’énergie potentielle comme la circulation de $\overrightarrow{E}$ est égale à la différence de potentiel électrique.
Exemples de potentiel électrostatique
Calcul du potentiel créé par une charge ponctuelle à partir du champ électrostatique
Le champ électrostatique créé par une charge ponctuelle a été défini dans le chapitre EM11 :
\begin{align*} \overrightarrow{E} &= \frac{q}{4\pi\epsilon_{0}PM^{2}} \frac{\overrightarrow{PM}}{PM}\\ &= \frac{q}{4\pi\epsilon_{0}r^{2}} \overrightarrow{u}_r \end{align*}
si on se place en coordonnées sphériques.
Calculons la circulation de ce champ entre deux points A et B quelconques :
\begin{align*} \int_A^B \overrightarrow{E}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\ell} &= \frac{q}{4\pi\epsilon_{0}} \int_A^B \frac{\overrightarrow{u}_r}{{r^2}}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\ell}\\ &= \frac{q}{4\pi\epsilon_{0}} \int_A^B \frac{\mathrm{d}r}{{r^2}}\end{align*}
car l’élément infinitésimal de longueur en coordonnées sphériques s’écrit
\begin{equation}\mathrm{d}\overrightarrow{\ell}= \mathrm{d}r\,\overrightarrow{u}_r + r\,\mathrm{d}\theta\,\overrightarrow{u}_\theta + r\,\sin\theta\,\mathrm{d}\varphi\,\overrightarrow{u}_\varphi\end{equation} et donc \begin{equation} \overrightarrow{u}_r\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\ell} = \mathrm{d}r\end{equation}
Finalement :
\begin{align*} \int_A^B \overrightarrow{E}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\ell} = V(A)-V(B) &= \frac{q}{4\pi\epsilon_{0}} \left[\frac{-1}{r}\right]_A^B \\ & = \frac{q}{4\pi\epsilon_{0}} \left(\frac{-1}{r_B}+\frac{1}{r_A} \right) \end{align*}
On peut donc écrire que le potentiel en un point M est :
\begin{equation}V(M) = \frac{q}{4\pi\epsilon_{0}\,r_M}+\mathrm{cste} \end{equation}où la constante est choisie en fonction de l’origine des potentiels : si on considère que le potentiel est nul à l’infini, la constante est nulle.
Généralisation aux distributions de charges classiques
A partir de l’expression précédente \eqref{potentiel-charge-ponctuelle}, on peut donner les expressions des potentiels électriques créés en M par d’autres distributions classiques :
Pour une distribution de N charges ponctuelles placées en P_i$ :
\begin{equation}V(M) = \sum_{i=1}^{N}\dfrac{q_i}{4\pi\epsilon_0P_iM} \nonumber\end{equation}Pour une distribution linéique de charges : \begin{equation}V(M) =\int_{P \in L} \dfrac{\lambda \mathrm{d}\ell}{4\pi\epsilon_0PM}\end{equation}
Pour une distribution surfacique de charges : \begin{equation}V(M) =\iint_{P \in S} \dfrac{\sigma \mathrm{d}S}{4\pi\epsilon_0PM}\end{equation}
Pour une distribution volumique de charges : \begin{equation}V(M) =\iiint_{P \in V} \dfrac{\rho \mathrm{d}\tau}{4\pi\epsilon_0PM}\end{equation}
Remarques
on a noté ici le volume élémentaire $\mathrm{d}\tau$ pour éviter de le confondre avec le potentiel élémentaire dV.
Ces expressions ne sont a priori valables que dans le cas de distribution finie, le potentiel étant pris nul à l’infini
Définition et continuité du potentiel électrique
Comme nous l’avons dit pour le champ électrostatique, les intégrales écrites pour définir le potentiel impliquent certaines contraintes en terme de définition et de continuité du potentiel. Sans détailler cela, il ne faut pas l’oublier.
On retiendra que le potentiel est continu pour un volume chargé ou une surface chargée mais présente des discontinuités pour un fil chargé : en effet, le champ n'est pas défini sur le fil lui-même.
Le champ électrostatique est un champ de gradient
Définition mathématique
Un champ de vecteurs $\overrightarrow{X}$ est appelé champ de gradient quand il existe une fonction $f$ telle qu’en tout point, $\overrightarrow{X}$ est le gradient de $f$. On dit encore que $\overrightarrow{X}$ dérive du potentiel $f$.
Cas du champ électrostatique
Le champ électrostatique est un champ de gradient :
\begin{equation}\boxed{\overrightarrow{E} = - \overrightarrow{\mathrm{grad}}\,V} \end{equation}avec \begin{equation}\overrightarrow{\mathrm{grad}}\,V = \overrightarrow{\nabla}V = \dfrac{\partial{V}}{\partial{x}}\overrightarrow{u}_x + \dfrac{\partial{V}}{\partial{y}}\overrightarrow{u}_y + \dfrac{\partial{V}}{\partial{z}}\overrightarrow{u}_z\end{equation} en coordonnées cartésiennes
Ainsi :
On dit que le champ $\overrightarrow{E}$ dérive du potentiel V.
Le signe $-$ est arbitraire (ce choix se justifiera quand nous aborderons l’énergie), il signifie $\overrightarrow{E}$ est dirigé vers les potentiels décroissants (voir propriété 2 des surfaces équipotentielles et sa démonstration).
Remarque
L’équation \eqref{gradV} et l’équation \eqref{potentiel} peuvent être toutes les deux utilisées pour définir le potentiel électrique.
Surfaces équipotentielles
Définition
Une surface équipotentielle est définie par l’ensemble des points où la valeur du potentiel électrique est la même. Deux surfaces équipotentielles, définies par V(M) = V_0$ et V(M) = Vʹ_0$, ne peuvent donc pas se rencontrer. Grâce à celles-ci, on visualise encore mieux (en plus des lignes de champ) les propriétés électriques d’un système de charges.
Lignes de champ et surfaces équipotentielles
Propriétés
Les surfaces équipotentielles sont en tous points orthogonales aux lignes de champ.
Le long d’une ligne de champ, le champ $\overrightarrow{E}$ est dirigé suivant les potentiels décroissants.
Démonstrations
Soit $\mathrm{d}\overrightarrow{\ell}$ un déplacement élémentaire le long d’une surface équipotentielle.
\begin{equation}\mathrm{d}\overrightarrow{\ell} = \mathrm{d}x\,\overrightarrow{u}_x+\mathrm{d}y\,\overrightarrow{u}_y+\mathrm{d}z\,\overrightarrow{u}_z\end{equation}
En coordonnées cartésiennes :D’autre part, on sait que $\overrightarrow{E}$ est un champ de gradient :
\begin{equation}\overrightarrow{E}=-\overrightarrow{\mathrm{grad}}V =\left(-\dfrac{\partial{V}}{\partial{x}}\overrightarrow{u}_x\right) + \left(-\dfrac{\partial{V}}{\partial{y}}\overrightarrow{u}_y\right) + \left(-\dfrac{\partial{V}}{\partial{z}}\overrightarrow{u}_z\right)\end{equation}Ainsi :
\begin{equation}\overrightarrow{E}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\ell} = \left(-\dfrac{\partial{V}}{\partial{x}}\mathrm{d}x\right) + \left(-\dfrac{\partial{V}}{\partial{y}}\mathrm{d}y\right) + \left(-\dfrac{\partial{V}}{\partial{z}}\mathrm{d}z\right)=-\mathrm{d}V \end{equation}Or par définition, sur une équipotentielle le potentiel est constant : \begin{equation}\overrightarrow{E}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\ell}=0\end{equation} CQFD
Si on considère à présent un déplacement $\mathrm{d}\overrightarrow{\ell}$ le long d’une ligne de champ et que l’on se déplace dans le sens du champ de A à B, on a :
\begin{equation}\int_A^B \overrightarrow{E}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\ell} = V(A) - V(B) > 0\quad \text{ donc } V(A) > V(B)\quad \text{ CQFD}\end{equation}
Énergie potentielle électrostatique
Utilisons la relation entre le travail et l’énergie que nous connaissons bien en mécanique. On se place dans le cas d’une charge électrique ponctuelle qui se déplace dans un champ extérieur (créé par d’autres charges qui ne nous intéressent pas).
Travail de la force électrique de Coulomb
Or, nous avons vu dans l’équation \eqref{e.dl=-dv} : \begin{equation}\overrightarrow{E}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\ell}=-\mathrm{d}V\end{equation} donc :
\begin{equation}\mathrm{d}W_{AB} = − q\,\mathrm{d}V\end{equation}En intégrant entre A et B pour calculer le travail sur tout le déplacement AB :
\begin{equation}W_{AB}=\int_A^B -q\,\mathrm{d}V = -q \int_A^B \mathrm{d}V = q\,(V(A)-V(B)) =E_{PA} - E_{PB} \end{equation}Ainsi, le travail de la force de Coulomb ne dépend pas du chemin suivi, la force de Coulomb est conservative.
Cette force dérive d’une énergie potentielle :
On retrouve la façon dont on a définit l’énergie potentielle en mécanique.
D’autre part, le potentiel électrique étant défini à une constante près, l’énergie potentielle ne peut qu’être définie de la même manière.
D’autres méthodes pour retrouver cette énergie
Sans parler de travail, on a vu dans l’équation \eqref{potentiel} :
\begin{equation}\int_A^B \overrightarrow{E}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\ell} = V(A) - V(B) \nonumber\end{equation}d’où
\begin{equation}\int_A^B q\overrightarrow{E}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\ell} = qV(A) - qV(B) = E_{PA} - E_{PB}\end{equation}et on retrouve notre énergie.
On a également vu dans l’équation \eqref{gradV} :
\begin{equation}\overrightarrow{E} = - \overrightarrow{\mathrm{grad}}\,V \nonumber\end{equation}donc
\begin{equation}\overrightarrow{F} = q\overrightarrow{E} = - \overrightarrow{\mathrm{grad}}\,q\,V = - \overrightarrow{\mathrm{grad}}\,E_P\end{equation}La force de Coulomb dérive bien d’une énergie potentielle comme le champ électrique dérive d’un potentiel.
Énergie potentielle d’interaction entre deux charges ponctuelles
Définition
L’énergie potentielle d’interaction est l’énergie qu’il faut fournir à un système de deux charges ponctuelles situées initialement à l’infini pour les rapprocher à une distance r_12$ l’une de l’autre.
Énergie potentielle de chaque charge
Soient les charges $q_1$ et $q_2$ placées en deux points $\mathrm{M}_1$ et $\mathrm{M}_2$ distants de $r_{12}$. La charge $q_1$ est soumise au champ $\overrightarrow{E_2}$ créé par $q_2$.
Elle possède donc une énergie potentielle électrostatique $E_{P1} = q_1\,V_2$ ($V_2$ car elle subit le champ $\overrightarrow{E_{2}}$). Ainsi :
Et avec le même raisonnement pour la charge $q_2$ :
\begin{equation}E_{P2} = E_{P1} = \frac{q_1q_2}{4\pi\epsilon_0r_{12}} + \mathrm{\mathrm{cste}}\end{equation}Remarque : on peut annuler les constantes ici en supposant que si les charges sont infiniment éloignées l’une de l’autre, elles n’ont aucune influence l’une sur l’autre et elles ne possèdent pas d’énergie potentielle.
Travail et énergie potentielle d’interaction
Pour rapprocher les deux charges depuis l’infini, il faut qu’un opérateur effectue le travail nécessaire à ce rapprochement. L’énergie potentielle d’interaction est égale au travail de cet opérateur.
Pour atteindre le but recherché, celui-ci peut simplement rapprocher une des charges depuis l’infini vers l’autre qui serait fixe à un certain endroit.
Appliquons le théorème de l’énergie cinétique à la charge que l’opérateur déplace :
\begin{equation}\Delta E_C = \sum W(\overrightarrow{F_{ext}})\end{equation}Or la charge n’est pas en mouvement ni dans sa position de départ, ni dans sa position d’arrivée :
\begin{equation}0 = W_{\mathrm{opérateur}} + W_{\mathrm{force de coulomb}} donc W_{\mathrm{opérateur}} = − W_{\mathrm{force de coulomb}}\end{equation}Le travail de la force de Coulomb a été calculé dans l’équation \eqref{travail-coulomb} :
\begin{equation} W_{AB} = E_{PA} − E_{PB} = qV(A) − qV(B)\end{equation}Sachant que le point A est l’infini, $V(A) = E_{PA} = 0$, on obtient :
\begin{equation}W_{\mathrm{opérateur}} = - W_{\mathrm{force\, de\, coulomb}} = E_{PB} = \frac{q_1q_2}{4\pi\epsilon_0r_{12}}\end{equation}L’énergie potentielle d’interaction entre deux charges a pour expression :
\begin{equation}\boxed{E_P = E_{P1} = E_{P2} = \frac{q_1q_2}{4\pi\epsilon_0r_{12}}}\end{equation}Références
- "Electromagnétisme PCSI" - P.Krempf - Editions Bréal 2003 ;
- "Physique Cours compagnon PCSI" - T.Cousin / H.Perodeau - Editions Dunod 2009 ;
- "Electromagnétisme 1ère année MPSI-PCSI-PTSI" - JM.Brébec - Editions Hachette ;
- "Cours de physique, électromagnétisme, 1.Electrostatique et magnétostatique" - D.Cordier - Editions Dunod ;
- Site de Jimmy Roussel